Contribution : Etat de la nation

Un membre du bureau politique du PDCI-RDA :

« Félix Houphouët-Boigny est incontestablement le plus grand panafricaniste de tous les temps. »

En tant que Disciple de Félix Houphouët-Boigny, je me sens interpelé par la contribution de notre aîné, le Doyen CHEIKNA SYLLA dans le Nouveau-Réveil n°5989 du jeudi 17 Février 2022.

Je voudrais en toute humilité ajouter mon grain de sel à ce discours magnifique et responsable.

Félix Houphouët-Boigny était un bâtisseur de nation, un conducteur de peuple. Candidat pour entrer comme Député à l’Assemblée Constituante Française en 1945. Il fit pendant la campagne électorale la promesse de faire partir 300 jeunes collégiens en France s’il était élu. Homme de parole, il mit à exécution sa promesse dès son élection. Malgré l’opposition des colons qui érigèrent plusieurs obstacles, un contingent de 198 collégiens put effectuer le voyage en 1946. Le choix des enfants comportait déjà des prémices de la construction de la nation ivoirienne. En effet, une répartition équitable entre toutes les régions du pays fut faite. Aoua Don Mélo dira plus tard que de 1946 à sa mort, Félix Houphouët-Boigny envoya les meilleurs élèves admis au BAC E et au BAC C dans les grandes écoles en Europe et en Amérique pour être formés comme ingénieurs avec comme seul critère de sélection le mérite.

La géopolitique pratiquée par Félix Houphouët-Boigny après l’indépendance avait pour seul but de faire en sorte que toutes les régions et toutes les ethnies fussent concernées et associées à la gestion du pays.

Cinq (5) Chefs d’Etat-major (des FANCI) ont exercé durant ses 33 ans (1960-1993) de présidence. Ce furent dans l’ordre : OUATTARA Thomas d’Acquin (Tagbana de Katiola), COULIBALY Ibrahima (Sénoufo – Korhogo), ZEZE Baroan Bertin (Bété – Daloa), ORY Félix (Bété – Gagnoa) et GUEÏ Robert (Yacouba – Kabacouma). On peut remarquer qu’aucun Akan ne figure sur cette liste. Mieux, les Bété qu’on présentait à tort ou à raison comme en rivalité avec les Baoulés, ont eu le privilège d’avoir deux (2) Chefs d’Etat-major. Son premier Aide de Camp fut ZEZE Baroan Bertin quand le premier Directeur de la Sûreté Nationale était Goba Pierre, un Bété de Soubré. Je m’arrête là en ce qui concerne les nominations.

Félix Houphouët-Boigny, Homme de dialogue et de rassemblement.

Les journées de dialogue tenues en 1969 permirent de panser les plaies, de récoler les morceaux et d’engager un nouveau pacte social après les évènements malheureux de 1962-1963. Le témoignage de Charles Bauza DONWAHI est éloquent à cet égard, car selon l’ancien Ministre de l’Agriculture (1960-1963), c’est tout juste si

Félix Houphouët-Boigny ne s’était pas mis à genoux devant ses anciens collaborateurs sortis de prison pour leur demander pardon lorsqu’il les reçut à Yamoussoukro. Le Président leur expliqua qu’il avait été trompé par quelqu’un qui voulait manifestement devenir Ministre de l’Intérieur.

Le Conseil National, organe du Parti Unique d’alors (le PDCI RDA) était périodiquement convoqué pour apprécier l’état de la Nation. Toutes les couches socio- professionnelles y étaient conviées et la parole était vraiment libre. La synthèse de toutes les interventions (critiques et suggestions) était faite et Félix Houphouët-Boigny, homme d’une humilité inimaginable en tenait toujours compte dans la gestion de la communauté. Ainsi, le projet de double nationalité (impliquant la Côte d’Ivoire, le Dahomey, la Haute-Volta, le Niger et le Togo) fut rejeté par le Conseil National et non pas à la suite d’un vote de l’Assemblée Nationale ou par référendum.

L’unité nationale, l’éducation-formation, la stabilité politique étaient les préoccupations quotidiennes de l’homme de légende que fut Félix Houphouët-Boigny. Où en sommes-nous plus de 28 ans après sa disparition ? Sommes-nous plus unis qu’en 1980 ? Les jeunes ivoiriens d’aujourd’hui sont-ils mieux formés que ceux de 1970 ? Le pays est-il devenu plus stable ?

Félix Houphouët-Boigny est incontestablement le plus grand panafricaniste de tous les temps. Il a créé et dirigé le Rassemblement Démocratique Africain, le plus grand parti politique de l’histoire de notre continent, s’étendant du Sénégal à Djibouti, avec des sections dans presque tous les territoires de l’Afrique noire francophone.

Il est fondateur d’AIR AFRIQUE, de la BAD, du CONSEIL DE L’ENTENTE, de l’OCAM, de la CEAO devenue CEDEAO, co-fondateur de l’OUA, initiateur du projet de double nationalité rejeté par le peuple ivoirien. Sa plus grande faiblesse était sa fidélité à ses amitiés. Il n’a pas eu de la haine pour la France. Or il faut haïr la France, même par hypocrisie, pour être considéré comme panafricaniste selon les célèbres panelistes. Félix Houphouët-Boigny pouvait-il haïr le Général De Gaulle, Michel Debré, Jacques Kosciusko Morizet, André Latrille ? Assurément non ? Il a dit une parole que beaucoup n’ont pas retenue ou n’ont pas comprise : « la Côte d’Ivoire coopère avec le peuple éternel de France et non avec les hôtes éphémères de l’Elysée ». Cela signifie, à mon avis, que de De Gaulle à Emmanuel Macron, les Dirigeants de l’Etat Français sont les mêmes. Ils sont prêts à marcher sur les cadavres des africains pour la prospérité et la grandeur de leur pays. A nous les africains de savoir agir avec doigté et intelligence pour tirer profit de nos relations avec la France. Pour ce faire, il faut éviter d’être un béni-oui-oui, privilégiant la défense des intérêts français au détriment des intérêts de l’Afrique et dans le même temps rejeter tout sentiment de haine à l’égard de l’ancienne

puissance colonisatrice. Dans tous les cas, le petit cœur de Félix Houphouët-Boigny était plein d’amour, il n’y avait plus de place pour la haine.

L’Ecole de la vie, qui est la plus grande école, même si elle ne délivre pas de diplôme, nous enseigne que la grandeur d’un Chef n’est pas liée au nombre d’années passées au pouvoir. La grandeur d’un Chef tient aux actes d’amour, de respect, de sacrifice, du don de soi, posés dans l’humilité au bénéfice de son peuple.

John Fitzgerald Kennedy, parvenu au pouvoir à 42 ans n’a pu terminer son premier mandat, mais il est resté comme l’un des plus grands Présidents de l’histoire des Etats Unis ; Nelson Mandela n’a fait qu’un mandat pourtant il a été élu le plus grand homme du XXème siècle devant Kennedy, De Gaulle, Churchill, Ganghi etc.

Lors de la proclamation des résultats des élections présidentielles en 1990, le Président de la Cour Suprême Lanzéni Namogo Poto Coulibaly, regardant droit dans les yeux de Félix Houphouët-Boigny avait dit : « Monsieur le Président, vous n’avez jamais favorisé votre tribu les Baoulés. Nous, vos collaborateurs, nous le savons et l’histoire vous le rendra ».

Laurent Dona Fologo, l’un des plus grands disciples de Félix Houphouët-Boigny a dit un jour : « d’aucuns disent qu’il y aura un autre Félix Houphouët-Boigny dans 50 ans, dans 100 ans ; d’autres disent que dans 200 ans, 500 ans, il y aura un autre Félix Houphouët-Boigny. Moi Fologo, je vous dis qu’il n’y aura plus jamais un autre Félix Houphouët-Boigny. Houphouët-Boigny est une Légende ».

Avec humilité, dans ma tragique nudité, je m’agenouille devant tous les Ivoiriens, grands ou petits, pour leur demander de pardonner toutes les offenses et humiliations dont ils ont été victimes à un moment ou à un autre. Nous devons purger de nos cœurs la haine, la jalousie, la méchanceté, la peur, la calomnie et tous les vilains sentiments dénoncés par Félix Houphouët-Boigny toute sa vie. Réapprenons à nous aimer sincèrement, car il n’y a de société, ou nation véritablement constituée que dans l’amour et la justice.

Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.

KOUAKOU Félix
Ancien Député Suppléant DLC en 2015 du Candidat ADO
Membre du bureau politique du PDCI-RDA