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22 décembre 2024
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Restauration de la forêt/ Un Lieutenant des Eaux et forêts tire la sonnette d’alarme

– Son appel au ministre Laurent Tchagba sur les forêts concédées
– Les révélations du Lieutenant Ziepleu Lacina Ouattara
Lieutenant des Eaux et forêts et Chef de l’Unité de Gestion Forestière de l’Anguédédou, Ziepleu Lacina Ouattara, porte-parole du Syndicat libre des agents de la Sodefor (Sylia Sodefor), et secrétaire Fédéral Dignité Région de la Mé tire la sonnette d’alarme sur la gestion des fonds alloués par la communauté internationale pour la restauration du couvert forestier ivoirien. Préoccupé par cette situation, il attire l’attention des autorités sur plusieurs faits qui risquent d’aggraver davantage la dégradation de la forêt.
Quel regard jetez-vous sur la gestion des ressources forestières qui est l’une des missions de la Société de développement des forêts (Sodefor) qui a depuis le 15 septembre dernier, 56 ans d’existence ?
Il faut avant toute chose que l’on reconnaisse que la Société de développement des forêts (Sodefor) est la cheville ouvrière de la mise en place de la politique de reboisement et de la protection des forêts classées de Côte d’Ivoire. Effectivement, le 15 septembre 2022 dernier, elle a eu 56 ans d’existence. En tant que travailleur de la Sodefor, partenaire social, et syndicaliste, il nous appartient effectivement de nous arrêter et regarder dans le rétroviseur. Parce que 56 ans, c’est l’âge de la maturité, de la grande responsabilité. C’est l’âge à laquelle, nous commençons à penser à l’héritage que nous allons laisser à nos enfants. Mais aujourd’hui, nous sommes inquiets. Nous sommes inquiets dans la mesure où, la célébration de ces 56 ans nous ont permis de réfléchir sur quel héritage effectivement nous laissons à ceux qui viendront après nous.
Qu’est-ce qui justifie vos inquiétudes quand on sait que plusieurs actions sont menées pour que la Côte d’Ivoire retrouve son couvert forestier ?
Nous avons eu la chance d’accompagner la Sodefor ces derniers temps sur plusieurs projets, sur plusieurs chantiers et à faire en sorte que la Côte d’Ivoire redevienne verte. Mais notre inquiétude est fondée sur certains comportements, sur certaines décisions qui sont prises à certains niveaux et qui mettent en mal la ressource sur laquelle nous travaillons qui est la forêt. Une ressource qui peut se renouveler naturellement. Parce que si on ne peut pas planter, on peut protéger. Et quand on le fait, avec le temps, elle peut reprendre par elle-même. Elle peut se régénérer seule. Il faut seulement qu’on la laisse, qu’on laisse les forêts tranquilles, loin des décisions. Aujourd’hui notre inquiétude, c’est qu’après toutes ces années, malgré les efforts que la Sodefor déploie effectivement, malgré les grands programmes sur lesquels nous travaillons, nous constatons que des personnes nous tirent vers le bas.
Est-ce cela uniquement les raisons de vos craintes ?
Dans les échanges avec certains collaborateurs de l’extérieur, il s’est trouvé que l’Union européenne a décidé de ne plus accepter des produits agricoles et forestiers issus des forêts classées. Parce que ces produits seraient issus des massifs forestiers classés ou des aires protégées. Ils soutiennent qu’une loi serait prise pour interdire l’achat de ces produits. La Côte d’Ivoire devrait emboîter le pas. Mais malheureusement, quand nous analysons, c’est nous qui encourageons l’installation de certaines entreprises à l’intérieur de nos forêts classées.
Qu’en est-il du décret de concession d’un certain nombre de forêts au secteur privé pour les réhabilitations ?
Il y a pratiquement un an de cela, qu’un décret avait été pris par le gouvernement au moment où, le ministre Alain Donhawi, occupait le portefeuille des Eaux et forêts, pour fixer le cadre juridique de la concession d’un certain nombre de forêts qui étaient véritablement dégradées. Et la liste de ces forêts avait été donnée. Ce décret disait qu’une commission devrait pouvoir s’installer pour valider les éventuelles candidatures à la demande de convention et à la suite des analyses de ces candidatures avec toutes les parties prenantes, certaines forêts jugées dégradées allaient être céder en convention, à des opérateurs du secteur privé pour leur réhabilitation conformément à un plan qui allait être élaboré ensemble. Malheureusement, ces mêmes collaborateurs extérieurs avec qui nous échangeons dans le cadre de l’environnement nous informent qu’une quarantaine de conventions a été déjà signée sur un certain nombre de forêts qui sont en Côte d’Ivoire. Est-ce que le décret fixant cette convention stipulait que les signatures de ces conventions devraient être faite à l’insu des membres de la commission habilitée ? Nous ne le croyons pas. Aussi le décret stipulait-il que la convention de concession devrait être signée en conseil des ministres. Mais que nenni ! Surtout qu’il s’agit des conventions qui doivent être exécutées à l’intérieur des forêts classées dont certaines sont sous financement de bailleurs de fonds. C’est comme si l’on était en train de réhabiliter les forêts et qu’en réalité on autorise des sociétés agricoles à s’installer à l’intérieur de ces forêts. Récemment, il y a eu des prêts de partenariats d’un montant de 92 milliards F CFA de la Communauté internationale à travers la banque mondiale. Ce montant était accordé à la Côte d’Ivoire dans le cadre du Projet d’inventaire forestier dans sa deuxième phase (PIF 2). Et cet apport devrait venir soulager les forêts sinon la Sodefor et les autres structures qui sont engagées dans la défense de notre patrimoine forestier à être opérationnels et offensifs conformément au programme que le gouvernement a donné. Mais là encore, 75 milliards F CFA sur les 92 milliards F CFA de ce financement devraient être orientés vers la Sodefor sur les forêts classées. Pour ces 75 milliards F CFA qui sont un appel de fonds, un programme avait été donné sur certaines forêts. Quand on signe des conventions sans tenir compte de ces engagements internationaux, nous courrons vers la catastrophe notamment, le retrait des bailleurs de fonds et disparition des forêts restantes.
La situation est à prendre avec beaucoup de sérieux alors …
Effectivement ! C’est pourquoi en tant que syndicaliste, nous sommes inquiets que celui qui gère la ressource ne soit là où on décide de l’affectation ou de la réhabilitation ou de la préservation de la ressource. Cela ne va pas fonctionner. Si nous n’éveillons pas les consciences pour que des décisions soient prises, nous risquons d’avoir honte. Parce que si le gouvernement de manière forestière a honte, cela voudrait dire que nous les acteurs sensés appliquer la politique, nous aurons failli. Nous ne parlons pas pour indexer qui que ce soit, mais nous disons qu’il faut faire véritablement attention en matière de gestion de ressource forestière. Qu’il faut communiquer plus. Il n’y a rien à cacher. Parce que la ressource forestière est la seule ressource sur laquelle nous travaillons et nous devons travailler avec une synergie d’actions. Des actions concertées, des programmes concertés, des applications communes. Pour qu’on puisse dire, nous devions pourvoir avoir le même intérêt : protéger la forêt ivoirienne pour sauver l’humanité. C’est cela notre mission. Nous avons beau accuser l’Etat, nous avons-nous même une part de responsabilité. Parce que bien que l’Etat décide de nous accompagner en mettant des ressources financières à notre disposition, c’est nous dans l’orientation de ces ressources, avons des comportements pas trop catholiques.
Face à cette situation que vous jugez d’alarmante, quelles sont les propositions que vous faites aux autorités pour la sauvegarde de nos forêts ?
Nous invitons tous les acteurs qui interviennent dans la gestion des ressources forestières de faire en sorte qu’on ne puisse pas avoir honte. C’est en cela que nous saluons l’arrivée du ministre Tchagba Laurent qui nous sommes convaincus que s’il a toutes les informations, il devrait prendre les dispositions rapidement pour rattraper ces conventions signées et faire en sorte que ces conventions ne puissent pas être contre productifs devant l’exécution du programme d’investissement forestier dans sa phase 2. Parce que s’il y a chevauchement, la communauté internationale risque de nous retirer ce financement. Et nous reviendrons à la case de départ. Il serait paradoxal qu’on ait fait tous ces efforts pour avoir effectivement ces fonds et que par nous-mêmes nos comportements, ces fonds nous échappent. On pourra certainement nous répondre que ce n’est pas le ministre Tchagba qui a commencé la signature ou qui est l’auteur de la signature de la quarantaine de conventions avec les sociétés agricoles et industrielles, mais il peut si effectivement ces conventions existent les regarder de plus près et apporter des actions correctives de sorte que ces conventions ne puissent pas gêner la politique de réhabilitation et de restauration du couvert forestier qui sont notre cheval de bataille.
Ne pensez-vous pas que la population a également un rôle à jouer pour la préservation de la forêt ?
Nous estimons que le temps est venu d’accompagner véritablement la forêt ivoirienne. C’est pourquoi nous avons apprécié le comportement des artistes Yodé et Siro qui, en bon citoyens ont décidé d’accompagner la forêt. Parce qu’en 45 jours de tournée, ils ont réalisé plus de 182 hectares de reboisement sans financement aucune de la Sodefor. Ils sont venus pour aider l’État, à faire le reboisement et à passer des messages pour éveiller un comportement éco-citoyens au sein des populations. Ce sont des actions salutaires. Aujourd’hui on peut indiquer avec exactitude les reboisements exécutés par ces artistes. Pourtant, il y a dans un passé récent plusieurs opérations avaient été lancées. On se souvient de ‘’Une journée cinq millions d’hectares de forêts’’, ‘’Une journée, 10 millions d’hectares de forêts’’, ‘’Une journée 50 millions de forêts’’, où sont passés le bilan de toutes ces opérations financées par l’Etat ivoirien ? On a même fait une grande communication sur le Seedball. Qu’on nous dise comment se comportent aujourd’hui ces parcelles réalisées dans le reboisement avec les Seedballs. Nous pensons qu’il y a plusieurs questions qui concernent la gouvernance forestière qui restent aujourd’hui sans réponses, mais nous y reviendrons. Raison pour laquelle, nous invitons les uns et les autres à laisser les grandes communications autour d’une question simple qui est le reboisement sans lendemain. Chaque Ivoirien devrait se lever un matin, se diriger vers la Sodefor ou toute autre structure qui intervient dans la préservation de l’environnement pour participer au civisme écologique vrai. Loin des reboisements de communication, invisibles après 2 ans.
Réalisée par Jules César Yao

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