L’honorable Kety Lansiné Soumahoro (PPACI) se déchaîne
« Le recul démocratique en Côte d’Ivoire est très grave… »
. « Le PPA-CI est une force tranquille qui est en train de s’organiser »
. « Depuis l’avènement du RHDP, la politique d’accaparement des terres est devenue la règle »
Quoique le régime Rhdp tente de prouver le contraire, le recul démocratique en Côte d’Ivoire reste un fait et très grave d’ailleurs. Du moins, c’est ce qu’a laissé entrevoir le Député du Parti des Peuples Africains (PPA-CI) de la Commune de Cocody, l’Honorable Kety Lansiné Soumahoro au cours d’une interview qu’il a accordé le samedi 2 Juillet 2022 à sa résidence d’Abidjan-Cocody Riviera. Des échanges au cours desquels, le vice-président du PPA-CI chargé du foncier urbain, s’est prononcé sur le dialogue politique, les ambitions du PPA-CI, le cas Charles Blé Goudé, la question du foncier dans le pays, le soutien de l’opposition à la candidature d’Adama Bictogo ainsi que ses projets en tant que Député pour les populations de Cocody. Entretien.
Honorable Kety Lansiné Soumahoro, vous êtes Député de Cocody. Un poste que vous avez convoité après vingt-cinq années et depuis mars 2021 vous y êtes. Alors, quel est le rôle du Député ?
Je vous remercie pour cette opportunité que vous me donnez de m’adresser aux populations de Cocody et de Côte d’Ivoire en tant que Député de la nation. Le problème du Député, c’est le regard que portent les populations sur cette fonction. Il nous appartient, nous Députés, de corriger progressivement cette vision par la sensibilisation, le contact et l’écoute. La fonction de Député, c’est un mandat que le peuple donne à une personne pour élaborer des lois en prenant en compte les besoins de la population. Et j’espère que le déjeuner débat que j’ai eu avec les forces vives de la commune le 4 juin 2022 va leur permettre de mieux comprendre la fonction de Député. C’est ce travail que je vais m’évertuer à faire, au cours de cette première mandature. L’ultime objectif, c’est de montrer qu’un Député doit travailler et peut travailler avec le peu de moyens qu’on met à sa disposition.
Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que les députés Ivoiriens ont un statut de faveur qui serait envié d’ailleurs dans toute la sous-région. Partagez-vous cet avis ?
Ce n’est pas exact. Car selon les informations en ma possession, les Députés ivoiriens sont parmi les députés les moins bien traités en Afrique de l’Ouest. A titre d’exemple, dans certains pays que je ne citerai pas, le Député bénéficie d’un véhicule de fonction qu’il conserve après son mandat. Dans d’autres pays, les suppléants sont payés par l’Etat. Ce n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. Il ne s’agit pas d’une revendication de ma part mais d’une réponse à la question que vous posez.
Honorable, vous êtes, par ailleurs, 1er Vice-président du groupe parlementaire PPA-CI. Alors on n’a pas beaucoup entendu le PPA-CI sur la question de la vie chère en Côte d’Ivoire au niveau du parlement. Pourquoi ?
Pour le PPA-CI, parti proche des populations, la vie chère est une question vitale. Je vous informe que le 28 juin 2022, lors de la séance des questions orales à l’Assemblée nationale sur la vie chère, Le groupe parlementaire PPA-CI a fait une déclaration dans laquelle il dénonçait, entre autres, les prix élevés d’un certain nombre de produits et services de première nécessité pour lesquels le Parti demande au Gouvernement de faire baisser ces prix ou de les bloquer. Le problème des autoroutes et routes à péage a été abordé. Sur cette question, le PPA-CI a demandé au Gouvernement de revoir sa copie.
L’opposition, votre parti le PPA-CI avec, a soutenu, récemment, l’élection d’Adama Bictogo à la présidence de l’Hémicycle. Comment devons-nous comprendre cette attitude de l’opposition ?
Il faut rappeler le contexte qui a abouti à cette situation. Un malheur frappe l’Assemblée nationale avec le décès de son président, l’honorable Amadou Soumahoro. Et il faut le remplacer selon le règlement de l’Assemblée Nationale, dans un délai d’un mois. L’Honorable Bictogo, candidat à la présidence de l’Assemblée Nationale sollicite les voix du groupe parlementaire PPA-CI en se rendant à son siège à Anono. Cette démarche, qui n’est pas ordinaire, a été analysée comme une volonté de rapprochement et de recherche d’un consensus. Le Groupe parlementaire PPA-CI, en accordant son soutien au candidat du RHDP a voulu donner un signal fort au Gouvernement, à la Côte d’Ivoire et au monde et montrer que l’opposition veut avancer dans la réconciliation. En contrepartie, l’opposition toute entière a demandé que des progrès soient faits au niveau du dialogue politique sur des points pour lesquels il y avait déjà un accord de principe tels que la libération des prisonniers politiques, l’entrée du PPA-CI à la CEI, le retour des exilés, la situation du Président Laurent Gbagbo, qui constituent des conditions d’apaisement pour faciliter le dialogue.
Honorable, peut-on parler de démocratie en Côte d’Ivoire ?
Ce que je peux dire à propos de démocratie en Côte d’Ivoire, c’est qu’il y a un véritable recul démocratique. Rien que de savoir qu’il y a, depuis plus de dix ans, des personnes qui sont encore en prison et qui n’ont pas encore été jugées suffit pour le prouver et le démontrer. En effet, Il n’y a aucun pays démocratique qui puisse tolérer la situation que je viens de décrire. C’est la négation dans son sens le plus profond des droits de l’Homme. Le recul démocratique est très grave et il faut tout faire pour y remédier, c’est cela qui constitue aussi le combat du PPA-CI.
Que répondez-vous à ceux qui disent que sous la dénomination EDS, vous sembliez plus combatif et qu’en étant devenu PPA-CI vous ne l’êtes plus ?
Le PPA-CI est une force tranquille qui est en train de s’organiser et je pense qu’il y a un temps pour tout. Le moment de manifester viendra. Le PPA CI profite de l’expérience d’opposition et de Gouvernement et sait avancer. Nous savons pourquoi nous nous battons, nous savons aussi contre qui nous nous battons et c’est le plus important. Notre crédo c’est la recherche de la démocratie et le rapprochement de tous les peuples africains car c’est dans l’union que l’Afrique gagnera. Pour l’heure, le vrai combat aujourd’hui c’est de sauver la Côte d’Ivoire, d’où la nécessité d’un dialogue politique et d’une réconciliation vrais.
Vice-président du PPA-CI en charge du foncier urbain, quelle appréciation faites-vous de la situation du foncier dans le district d’Abidjan et dans le reste du pays ?
Le foncier, soit rural ou urbain est un sujet extrêmement délicat car sa gestion donne lieu très souvent à des conflits avec quelques fois hélas morts d’hommes. Le foncier en Côte d’Ivoire repose sur une législation qui créé des ambiguïtés juridiques qui ne facilitent ni sa compréhension, ni son implication. C’est une spécificité qui fait de nos parents possédant traditionnellement les terres à la fois des « propriétaires » et « non propriétaires. En ma qualité de Vice- Président en charge du foncier urbain, et pour faire face à cette situation, j’envisage de proposer à la Direction du PPA-CI une réforme en profondeur du foncier urbain pour rendre plus cohérente la législation en la matière et protéger à la fois les intérêts de l’Etat et de nos parents considérés comme détenteurs de droits coutumiers.
Monsieur le vice-président du PPA-CI, le président Laurent Gbagbo semble perdre de jour en jour d’importants soutiens. Après Affi, Simone, aujourd’hui c’est Blé Goudé que M. Katinan, le porte-parole du PPA-CI a déclaré comme adversaire politique. Pensez- vous, qu’avec cette situation vous avez du poids pour faire face aux élections à venir ?
Face à la situation que vous décrivez je suis serein, car mes trente années et plus de vie politique m’ont donné l’occasion de voir des alliances jugées sûres se défaire du jour au lendemain. Le cas de Blé Goudé se situe dans cette mouvance. Blé Goudé, comme il le dit lui-même, n’a jamais été un militant du FPI, est resté dans cette posture jusqu’à maintenant, et n’est pas un militant du PPA-CI. Son « départ » qui suscite des commentaires aujourd’hui parce qu’il en parle lui-même avec peu de discrétion est en réalité un faux départ. En ce qui concerne notre poids électoral, j’estime qu’il est plus lourd qu’il y a 10 ans puisque le PPA-CI s’implante sur tout le territoire ivoirien avec l’arrivée de nouveaux cadres, qui constituent pour des élections, un avantage réel. Nous n’avons pas été affaiblis, bien au contraire, le parti s’est renforcé.
L’opposition a pris part à la cinquième phase du dialogue politique et y a fait des recommandations. Jusqu’ici la mise en œuvre de ces recommandations peinent à se traduire en acte. C’est quoi l’appel que vous pouvez lancer au gouvernement ?
Le constat que vous faites des résultats du dialogue politique est juste. Mais en ce qui me concerne, je suis dans une position mi-figue mi-raisin. Tout en espérant que les choses vont aller mieux, je constate qu’elles se font trop lentement. J’interpelle donc le Gouvernement en tant que Député de la nation, à prendre toutes les mesures, pour que le dialogue politique rentre dans sa phase concrète. Le pays en a besoin, les Ivoiriens nous regardent. Nous les hommes politiques, notre responsabilité est grande et il nous faut dépasser nos clivages pour s’intéresser à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens.